Qu’est-ce qu’une charte éthique ? Pourquoi s’en doter ? Et qu'est-ce qui distingue une bonne charte éthique d'une charte “vitrine” que personne ne lit ?
Dans cet article, nous vous proposons un décryptage clair, des bonnes pratiques concrètes et des exemples inspirants pour transformer votre charte éthique en un guide utile, vivant… et incarné.
Du scandale Enron en 2001 à l’effondrement du Rana Plaza en 2013, en passant par les vagues de suicides chez France Télécom ou les rémunérations excessives de certains dirigeants du CAC 40, les années 2000 ont été marquées par une série de crises éthiques majeures. Corruption, harcèlement moral, évasion fiscale, inégalités salariales criantes…
La société civile, les salarié·es, les consommateur·trices comme les investisseur·euses expriment une attente claire : plus de transparence, d’intégrité, de respect des droits fondamentaux. Dans le même temps, les exigences réglementaires se sont durcies, avec l’émergence de cadres comme le devoir de vigilance, la loi Sapin II ou la CSRD. L’éthique professionnelle est devenue un socle indispensable, particulièrement dans une démarche RSE. Elle se formalise au sein des organisations sous la forme d’une charte.
Charte éthique, code de conduite, charte de confiance… Derrière ces termes, un même objectif : poser un cadre clair pour guider les comportements et les décisions. Ce document formel explicite les valeurs fondatrices, les principes d’action et les règles de conduite que votre organisation choisit d’appliquer, tant en interne (salarié·es, managers) qu’en externe (fournisseurs, partenaires, client·es, collectivités…).
La charte éthique repose sur une démarche volontaire. Elle vient en complément des lois et règles déontologiques propres à certaines professions (avocat·es, médecins…). Elle reflète ce que votre entreprise juge juste, acceptable, ou inacceptable au regard de sa culture, de ses engagements et de ses responsabilités vis-à-vis de ses parties prenantes (Voir charte éthique de Clarins ci-dessous)
Elle n’est pas obligatoire. Mais dans un contexte où les attentes éthiques augmentent, elle devient un marqueur fort de crédibilité et de cohérence.
Elle peut être opposable :
Vous pouvez formaliser a minima votre engagement éthique en adhérant au Pacte mondial des Nations Unies (Global Compact). Ce texte de référence, auquel plus de 18 000 entreprises dans le monde ont déjà adhéré, regroupe 10 principes universels autour de quatre grands thèmes :
C’est souvent le premier pas avant de se doter d’une charte éthique personnalisée, adaptée à la réalité de votre organisation.
Véritable outil de gouvernance, la charte éthique vise à encadrer les comportements, à prévenir les risques et à guider les décisions du quotidien.
Elle sert de repère opérationnel : en clarifiant ce qui est attendu de chacun·e — dirigeant·es, managers, collaborateur·trices — elle facilite l’identification des situations à risque et oriente vers les réactions appropriées.
Par ailleurs, elle contribue à faire vivre une culture commune, fondée sur des valeurs partagées. Pour cela, elle doit s’appuyer sur des pratiques concrètes à tous les niveaux de l’organisation et en particulier sur l’exemplarité des managers, premiers relais des engagements éthiques sur le terrain.
En outre, dans le cadre d’une démarche RSE, la charte éthique devient absolument incontournable pour accéder à certaines certifications ou labels, tels que Ecovadis, ou B Corp, qui exigent une formalisation claire des engagements éthiques et responsables.
Loin d’être un simple cadre, la diffusion d'une culture éthique apporte des bienfaits concrets pour votre organisation.
Si chaque charte est unique — car elle reflète l’histoire, la culture et les enjeux propres à une organisation — certaines composantes clés reviennent souvent. Ce document se construit à partir de textes réglementaires, de la cartographie des risques, et bien sûr des valeurs et principes éthiques portés par votre organisation.
Une charte éthique comporte idéalement :
Trop de chartes restent de simples documents affichés… et oubliés. Alors comment en faire un outil réellement partagé, reconnu et utilisé ? Voici 12 bonnes pratiques pour donner de la vie, du sens et de la portée à votre charte éthique.
1. Co-construisez votre charte éthique avec vos parties prenantes internes
Associez différents métiers, niveaux hiérarchiques et fonctions (RH, achats, juridique, terrain…) dès la phase de rédaction ou de révision. Cela favorise l’appropriation, évite les “textes hors-sol” et garantit que les dilemmes concrets du quotidien soient pris en compte.
C'est souvent le service juridique qui porte la démarche.
2. Clarifiez les valeurs et les comportements attendus
Appuyez-vous sur les valeurs de l'entreprise, partagées par les collaborateur·trices. Évitez les grands principes trop vagues (“intégrité”, “respect”) en les traduisant en exemples opérationnels.
3. Assurez-vous que votre charte éthique soit accessible à tous
4. Informez sur la posture à adopter pour agir correctement
Encouragez les parties prenantes concernées par la charte à se questionner
Proposez un arbre de Décision Éthique pour aider à déterminer la bonne approche à adopter (cf code éthique de L’Oréal p10).
Que faire en cas de doute ou de zone grise ? Aucun document ne peut prévoir ni traiter toutes les situations qui pourraient se présenter. La règle d’or? Invitez avant d’agir à parler ouvertement avec un·e responsable et/ou un·e référent·e éthique..
5. Présentez votre charte éthique dès l’onboarding
Présentez-la clairement aux nouveaux et nouvelles arrivant·es, idéalement lors d’une session dédiée animée par un·e ambassadeur·drice ou un·e manager. Cela envoie un message fort dès l’entrée dans l’entreprise : ici, l’éthique compte.
6. Créez un “réseau de référents éthiques”
Identifiez et formez quelques personnes-clés dans différents services, capables d’accompagner les dilemmes ou de relayer les questions éthiques. Cela renforce l’accessibilité du dispositif. Ex : charte du groupe SNCF.
7. Prévoyez un comité éthique transdisciplinaire
Ce comité pourra analyser les cas complexes, proposer des arbitrages, faire évoluer la charte au fil du temps, ou simplement produire des recommandations.
8. Formez les managers à l’éthique appliquée
Plutôt que des formations génériques, proposez des cas pratiques, des mises en situation, des ateliers de décision éthique. Car ce sont souvent les managers qui sont en première ligne des tensions.
9. Mettez en place une évaluation annuelle de l’application de la charte
Ajoutez quelques questions dans les enquêtes internes : “Connaissez-vous la charte ? L’avez-vous utilisée ? Avez-vous été témoin de comportements contraires aux valeurs affichées ?”
10. Pensez à actualiser votre charte éthique
Le monde évolue rapidement. Les mutations sociales, économiques ou encore technologiques font apparaître de nouveaux dilemmes. D’où l’importance de mettre à jour votre charte éthique régulièrement.
Envie d’inspiration? Consultez quelques chartes éthiques que nous avons sélectionnées.
L’Oréal propose une charte complète, pédagogique et inclusive, articulée autour de trois dimensions (entreprise, employeur et acteur responsable). Elle s’attache à être très concrète pour les collaborateurs et collaboratrices. Avec son arbre de décision éthique, elle aide chacun·e à adopter la bonne posture face aux dilemmes du quotidien.
La PME Weneos propose une charte éthique engageante, bien structurée et concise. Ce document de 32 pages est simple, direct et accessible à toutes et tous. Les engagements sont formulés de manière simple, sans jargon, ce qui facilite leur appropriation. La charte réalise un focus concret sur les pratiques responsables.
Engie place l’éthique au cœur de sa stratégie, avec d’emblée une tolérance zéro pour la corruption et les atteintes aux droits et des sanctions à la clé. Dispositifs d’alerte, reporting éthique, contrôles de conformité, formation des collaboratrices et collaborateurs, conseils… Tout est prévu pour accompagner chacun·e, y compris dans les zones grises. Les managers jouent un rôle clé dans l’exemplarité et l’appropriation du code, soutenus par une organisation dédiée.
Cette charte transparente et pédagogique est essaimée d’exemples et de questions concrètes pour guider les décisions éthiques au quotidien. Soulignant la responsabilité partagée, elle engage chaque collaboratrice et collaborateur, avec des messages forts sur l’importance de l’exemplarité individuelle.
Chez Schneider, la confiance est un pilier de la culture d’entreprise. La charte éthique est directement reliée aux enjeux ESG et complétée par un dispositif d’alerte accessible. C’est un véritable levier de responsabilisation individuelle et managériale.
La charte éthique de la SNCF fait le lien entre mission de service public et valeurs humaines. Chaque principe est illustré par des situations concrètes issues du terrain, ce qui facilite l’appropriation par les salarié·es et les managers. Un dispositif d’alerte complète l’ensemble.
Le code éthique de Capgemini ne laisse pas place à l’ambiguïté : les comportements attendus sont clairs, illustrés et assortis d’un dispositif de signalement confidentiel. Il invite chacun·e à la réflexion éthique au quotidien.
La charte du Conseil municipal affirme la volonté de placer l’intérêt général au-dessus de toute considération personnelle. Elle insiste sur la transparence, l’exemplarité et la prévention des conflits d’intérêts, contribuant à renforcer la confiance des citoyen·nes dans leurs représentantes locales et représentants locaux.
Nantes a adopté une démarche exigeante avec une charte structurée autour de valeurs fortes : impartialité, probité, intégrité. Elle est accompagnée d’un véritable dispositif de suivi (commission et déontologue), preuve que l’éthique n’est pas qu’une déclaration de principe.
À noter : l'association Anticor formule 30 propositions concrètes pour renforcer l'éthique et la transparence au sein des collectivités locales.
Une charte éthique efficace ne se mesure pas à son nombre de pages, mais à sa capacité à guider les choix quand les réponses ne sont pas évidentes.
L’enjeu n’est donc pas seulement d’écrire une charte, mais de la faire vivre : dans les décisions managériales, les dilemmes du quotidien, les moments de doute… et parfois même dans les discussions à la machine à café.
Et si vous souhaitez être accompagné·e dans sa conception, sa mise à jour ou son appropriation par vos équipes, Les Ateliers Durables peuvent vous aider à transformer vos principes éthiques en pratiques concrètes et durables.
Car une éthique utile n’est jamais figée — elle évolue avec celles et ceux qui la pratiquent.