Pourquoi, si nous sommes convaincus de l’importance de la RSE, n’agissons-nous pas en conséquence ?
Alors que 85% des salariés déclaraient vouloir s’investir plus dans les démarches RSE de leur entreprise en 2020 (Sondage institut Viavoice, 2020), la réalité s'est révélée bien différente. Selon le baromètre RSE 2022 de Vendredi, près de 59 % des entreprises répondantes estimaient que seule une « petite partie » de leurs équipes (entre 5 et 25 %), voire « très peu de salariés » (moins de 5 %) étaient impliqués dans leur démarche RSE. En 2024, seuls 17% considèrent leurs équipes comme “motrices” de leur politique RSE (baromètre RSE 2024 de Vendredi).
Les services RSE peinent à mobiliser les troupes, les écogestes progressent lentement, et certains comportements pollueurs ont la vie dure. Pourquoi un tel écart entre l’intention et l’action ? Une partie de la réponse se trouve dans les sciences cognitives et l’économie comportementale ! Et si une partie de la solution se trouvait dans ce qu’on appelle les nudges verts ?
1. Les deux systèmes cognitifs qui conditionnent nos comportements
Partons d’un exemple.
Essayez de répondre le plus rapidement à la question suivante :
« Une batte de baseball et une balle coûtent 1,10€. La batte coûte 1€ de plus que la balle. Combien coûte la balle ? »
…. 0,10 ? Bien joué ! Vous vous êtes fait‧e avoir par votre système cognitif automatique !
Que s’est-il passé ? Nous prenons plus de 35000 décisions par jour. Dans ce processus de décision, deux entités parallèles et concurrentes entrent en jeu :
- Le système automatique : c’est la partie du cerveau qui nous permet de prendre des décisions rapidement mais inconsciemment grâce à des raccourcis cognitifs (ces fameux biais cognitifs) afin de minimiser l’utilisation d’énergie (notre cerveau est paresseux). 95% de nos prises de décisions quotidiennes sont traitées par lui et il peut, parfois, faire des conclusions faussement logiques, induites par des biais cognitifs, nous conduisant à adopter de mauvais comportements ou prendre de mauvaises décisions.
- Le système adaptatif : heureusement, cette entité consciente mais plus lente, nous permet de rectifier le tir et de nous adapter en analysant, en prenant du recul ou en soupesant les termes d’une décision. Il nécessite beaucoup de ressources attentionnelles et ne peut donc pas être utilisé sur une longue durée car il génère beaucoup de fatigue. C’est lui qui nous permet de lire une nouvelle fois l’énoncé de la balle et la batte et d’arriver à la réponse 0,5 🙂
Nous sommes tout‧es persuadé‧s de prendre nos décisions de manière rationnelle aboutissant à un comportement conforme à nos intérêts, mais en vérité, c’est plus compliqué que cela ! Et les biais cognitifs ont un vrai impact dans la mise en place d’une démarche RSE.
2. Les biais cognitifs qui freinent la mise en place des actions RSE
On peut identifier 6 biais cognitifs freinant la mobilisation des équipes et l’adoption de comportements plus alignés aux enjeux de RSE :
Le biais de sur-confiance
Ce biais nous amène à surestimer notre capacité à faire face aux enjeux écologiques auxquels nous sommes confronté‧es ou à se persuader que la situation va changer.
«J’ai confiance, la technologie nous sauvera ! »
Le biais de confirmation
Ce biais nous pousse à penser que les éléments et les informations disponibles confirment notre opinion. Nous sélectionnons les informations qui vont dans notre sens, interprétons celles qui sont ambiguës dans le sens qui nous convient et négligeons les autres.
« J’ai lu un article qui dit que l’impact des mails, c’est pas si pire ! »
Le biais de l’optimisme
Ce biais nous pousse à croire que nous courons moins de risques que les autres.
« On finira bien par trouver une solution, ça va aller »
Le biais de l’inertie
Ce biais nous permet de fonctionner sur la base de nos habitudes et de nos préférences et nous permet d’agir rapidement sans dépenser trop d’énergie.
« J’ai toujours fait comme ça, pourquoi je changerai ? »
Le biais du temps présent
Ce biais nous conduit à privilégier le court terme sur le long terme et à repousser au lendemain les investissements qui pourraient améliorer notre vie.
«On en a déjà ras-le-bol des contraintes liées au COVID, on ne va pas rajouter la RSE non plus ! Laissez-nous faire comme d’habitude ! »
Le biais de disponibilité mentale
Ce biais nous pousse à prendre une décision en fonction des éléments et des informations disponibles immédiatement (à l’esprit ou à la vue).
« Après moi, le déluge »
C’est inquiétant ? Oui et non, car ces biais cognitifs sont systématiques et donc… prévisibles ! On peut donc les anticiper et les contourner, notamment grâce à un petit outil révolutionnaire : le nudge !
3. Faciliter le passage de l’intention à l’action grâce aux nudges verts
L’approche des nudges, théorisée par l’américain Richard Thaler, permet « d’activer des leviers d’influence cognitifs à travers des interventions anecdotiques pour induire un changement de comportement ». C’est un « petit élément présent dans l’environnement qui attire notre attention et qui modifie notre comportement » dans une direction donnée, tout en préservant la liberté.
L’objectif du nudge vert est d’encourager des comportements dans le sens des objectifs RSE de l’entreprise. Voici quelques exemples :
Le nudge de la norme sociale
Encourager l’adoption d’un comportement souhaité en communiquant une information relative aux autres à un moment pertinent dans le processus de décision de la cibles visées. Ci-dessous un exemple efficace dans une cantine d’entreprise.
Le nudge de saillance
Encourager un comportement en captant l’attention au moment où la décision est prise. Je n’ai pas très envie de laisser cet interrupteur allumé…
Le nudge de simplification
Encourager le changement de comportement en facilitant toutes les étapes qui conduisent à celui-ci pour réduire le coût perçu.
L’ impact de cet outil est réel. Mais faire reposer un nudge sur l’exploitation d’un biais cognitif peut apparaître comme une manipulation de l’individu et une privation de sa liberté d’agir. Pour éviter cela, il est important de respecter 3 règles :
- La transparence : ne jamais induire en erreur
- La bienveillance : ne pas être trop agressif
- La clairvoyance : servir le bien-être de l’individu et de la société
Cet outil peut être utilisé par les services RSE afin d’induire, de façon douce et efficace, les comportements dans le sens de la transition écologique et solidaire, notamment dans l’adoption des éco-gestes quotidiens. L’idéal étant qu’ils soient imaginés par et pour les salarié‧es à travers, par exemple, un atelier de créativité Nudges Verts !