Le harcèlement moral au travail. En tant que psychologue sociale et intervenante sur les risques psycho-sociaux au travail, le sujet émerge fréquemment dans mes échanges. Avec quelques questions récurrentes pour lesquelles je vous propose ici un éclairage.
Pour caractériser des faits de harcèlement moral au travail, trois conditions cumulatives sont nécessaires* :
*Articles 222-33-2 du Code pénal, L. 1152-1 du Code du travail et L. 133-2 du Code général de la Fonction publique
Précisons cette définition légale. Pour parler de harcèlement moral, il faut réunir concrètement trois éléments :
Le harcèlement moral au travail impacte différentes dimensions individuelles et collectives du collectif de travail, et peut se repérer à travers des signes et symptômes variés.
Chez la victime, les signes du harcèlement au travail peuvent être observés sur différents plans :
Venir quotidiennement au travail la boule au ventre demeure par ailleurs un signe assez caractéristique des faits de harcèlement, tout comme l’impression forte que son image ou sa réputation professionnelle est salie à répétition.
Au sein de l’équipe, témoin ou non, on observe généralement une chute de confiance en les collègues ou en la direction, et une mauvaise ambiance avec des prises de position claniques notamment lorsque la hiérarchie ne réagit pas et qu’un climat d’impunité s’installe.
Avec le mal-être de la victime, qui travaille moins efficacement et commet des erreurs, on constate aussi souvent une surcharge ou une désorganisation du travail.
Quand les situations de harcèlement moral ne sont pas prises en charge, on observe généralement une baisse de la productivité et une vague de démission. Au-delà du climat de suspicion, c'est aussi la responsabilité de l'employeur qui est engagée, avec un risque juridique non nul.
Une reconnaissance officielle des atteintes du harcèlement moral à la santé est possible. La victime de harcèlement moral au travail encourt des conséquences avérées pour sa santé physique et mentale.
Retenons qu’il est possible de faire reconnaitre les conséquences du harcèlement moral sur sa santé notamment via :
L’arrêt de travail et l’accident du travail sont constitutifs d’éléments de preuve potentiellement utiles dans le cadre d’une procédure d’enquête, tout comme les attestations écrites par des témoins des faits de harcèlement (collègues, tiers ou ancien·nes salarié·es de l’organisation), ou encore les documents annotés, mails ou SMS contenant des propos menaçants, agressifs ou déplacés.
Signaler des faits potentiellement harcelants permet de déclencher une enquête interne pour qualifier précisément leur nature. Il ne s’agit donc pas d’attendre d’être sûr·e à 100% pour réagir, on peut même se tromper en toute bonne foi. L’enquête interne, confidentielle, le dira.
Pour alerter, vous pouvez vous tourner vers un·e responsable hiérarchique en qui vous avez confiance, une personne des RH ou du CSE, ou encore le référent harcèlement (désormais obligatoire à partir de 250 salarié·es). Si l’employeur ne réagit pas ou si c’est lui l’auteur présumé, d’autres ressources existent : médecine du travail, Inspection du travail (DIRECCTE), Défenseur des droits, associations spécialisées (Souffrance&Travail…), services de police, gendarmerie, Procureur de la République…Retenez que la loi protège fermement les lanceurs d’alerte contre toute représailles.
L’enquête est menée par l’employeur, souvent via les RH ou les référent·es spécifiquement qualifié·es, et doit respecter un certain nombre de règles pour éviter l’irrecevabilité (impartialité, contradiction, traces…).
Le temps que l’enquête interne soit dûment menée, une protection des parties (victime présumée, auteur·e présumé·e, témoins éventuel·les), par des mesures temporaires conservatoires par exemple, peut être mise en place. Ensuite, en fonction des résultats de l’enquête, une sanction peut être appliquée (allant du rappel au règlement jusqu’au licenciement pour faute grave).
Si l'auteur·e est une relation de travail qui n’est pas salariée de votre organisation (par exemple un formateur, prestataire, partenaire…), ce n’est pas le code du travail qui s’applique mais bien le code pénal, dont la procédure s’enclenche par le biais notamment d’un dépôt de plainte. Le harcèlement moral est un délit pénal puni de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
Au-delà des sanctions, lorsque l’auteur·e est reconnu·e couplable, il est impérieux d’œuvrer pour prévenir durablement les phénomènes de harcèlement et éviter, le cas échéant, la récidive.
Les interprétations psychologisantes et les étiquettes accolées sur les cas de harcèlement (du type « pervers narcissique », bourreau sociopathe et autres névrosée obsessionnelle…) personnalisent le problème et offrent l’impression de le comprendre et le maitriser facilement (« un licenciement suffirait ! »). Mais elles sont en réalité dangereuses : elles contribuent clairement à une prise en charge tardive, inefficace et partielle en omettant les facteurs contextuels.
Car en effet, le harcèlement moral au travail relève de la violence organisationnelle, elle-même catégorisée comme un risque psychosocial à proprement parler, et comme toute violence au travail, le harcèlement est favorisé par le contexte, à savoir des conditions de travail qui permettent ces pratiques, voire en sont facilitatrices. Le fameux système-travail !
Il est donc capital pour tou·te·s, et indispensable en tant qu’employeur, de toujours prendre le temps, après l’enquête, d’étudier la situation dans son contexte :
Enfin, il est nécessaire de considérer qu’il existe des facteurs de vulnérabilité positionnels et socio-personnels (asymétrie d’âge, de statut, contrat précaire, travail confiné ou de nuit, fragilités familiales…), qui surexposent aux violences internes. Les personnes concernées ont moins la possibilité de demander de l'aide, et il est judicieux d’intégrer au DUERP une démarche spécifique de prévention et de détection des RPS envers ces publics.
Ainsi, prévenir efficacement le harcèlement moral c’est avant tout considérer que tout le monde est susceptible d’être concerné, et intégrer pleinement le combat contre les risques à leur source, dans l’organisation du travail (L. 4121-2), toujours en adaptant le travail à l’Homme, et non l’inverse.
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